Histoire

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10 dates qui ont marqué la langue française

Vue de la façade du logis restaurée

La langue française ne cesse d'évoluer au fil du temps, des usages et des sociétés. Revenons sur quelques moments symboliques qui ont rythmé son histoire…

842 : les Serments de Strasbourg, acte de naissance de la langue française ?

Les Serments de Strasbourg constituent le plus ancien texte en français conservé.

Tout commence par une sombre histoire d'héritage entre les petits-fils de Charlemagne : Lothaire Ier, Louis le Germanique et Charles le Chauve. Ces deux derniers décident de s’unir contre leur frère aîné. Pour sceller leur alliance, ils signent en février 842 les Serments de Strasbourg, retranscrits par leur cousin le chroniqueur franc Nithard.

Quel rapport, nous direz-vous, entre ces démêlés politiques et la langue française ?

Les Serments ont été rédigés en deux langues : le roman et le tudesque, ancêtres respectifs du français et de l'allemand. Il s'agit donc du premier document officiel écrit non pas en latin, mais en langue romane.

Le manuscrit de ce texte majeur se trouve à la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Extrait du texte Nithardus, De dissensionibus filiorum Hludovici Pii libri quatuor
Nithardus, De dissensionibus filiorum Hludovici Pii libri quatuor

© Gallica BnF

XIIe siècle : l’essor de la poésie en français ancien

Au Moyen Âge et surtout à partir du XIIe siècle, une production poétique en français ancien (langue d’oïl dans la partie nord de la France) devient de plus en plus importante.

Prenons l’exemple de Rutebeuf. Ménestrel et écrivain du XIIIe siècle, il se distingue des auteurs de son temps en rompant avec la tradition des poésies courtoises et raffinées en langue d'oïl. Son œuvre très personnelle mêle théâtre, biographies, poèmes lyriques et satiriques…

Rutebeuf n’a pas la langue dans sa poche : il n’hésite pas à évoquer les misères de l’existence, à chanter ses propres infortunes ou à critiquer les puissants !

Ses textes continuent d’inspirer les artistes francophones, comme Léo Ferré qui lui rend hommage en reprenant ses vers dans la chanson Pauvre Rutebeuf : « Que sont mes amis devenus, que j'avais de si près tenus, et tant aimés, ils ont été trop clairsemés. »

Scène tirée du "Miracle de Théophile", bas-relief du mur extérieur de l'une des chapelles latérales du choeur de Notre-Dame de Paris
Scène tirée du "Miracle de Théophile", pièce de théâtre écrite au XIIIe siècle par Rutebeuf. Cathédrale Notre-Dame (Paris).

© Reproduction Benjamin Gavaudo / CMN

1539 : l'ordonnance de Villers-Cotterêts, un texte fondateur

François Ier signe en août 1539 l'ordonnance de Villers-Cotterêts dans sa résidence royale. Ses articles 110 et 111 imposent la langue française dans tous les actes à portée juridique de l’administration et de la justice du royaume, au détriment du latin !

Ce texte de loi pose un premier jalon pour l’essor du français, et contribue à l’unification politique du pays autour d’une même langue.

Vue des décors de la chapelle du Château de Villers-Cotterêts restaurés
Château de Villers-Cotterêts, décors de la chapelle restaurés

© Benjamin Gavaudo / Centre des monuments nationaux

1549 : le plaidoyer du poète du Bellay en faveur de la langue française

Dix ans après l'ordonnance de Villers-Cotterêts, le poète Joachim du Bellay écrit La défense et illustration de la langue française. Il y défend avec ferveur la langue française tout en exprimant sa reconnaissance à François Ier, protecteur des arts et des lettres.

Ce texte est considéré comme le « manifeste » des poètes de la Pléiade, un groupe dont Joachim du Bellay fait partie aux côtés de Pierre de Ronsard et de Jean-Antoine de Baïf notamment. Leur ambition : enrichir et perfectionner le français pour le rendre aussi « noble » et influent que le latin !

La démocratisation de l'imprimerie va permettre la diffusion de leurs idées (et de la langue française) à une grande échelle.

Œuvres choisies de Joachim Du Bellay, vue des pages intérieures
Œuvres choisies de Joachim Du Bellay

© Gallica BnF

1635 : la création de l'Académie française

C'est dans une volonté d'unité linguistique nationale qu’est créée l'Académie française en 1635. Fondée par le Cardinal de Richelieu, cette institution a pour mission principale de veiller sur l'état de la langue et de rappeler son bon usage.

L'article XXIV de ses statuts indique : « La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences ».

Rappelons qu’au début du XVIIe siècle, l’orthographe était loin d’être fixée ! Pour y remédier, l’Académie établit des règles et rédige un dictionnaire, dont la première édition sera publiée en 1694.

Estampe de 1694 montrant les membres de l'Académie française offrant au Roi le premier dictionnaire
Les membres de l'Académie française offrent au Roi le premier dictionnaire, estampe, 1694

© Gallica BnF

1784 : le Discours sur l'universalité de la langue française d’Antoine de Rivarol

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’usage du français dépasse largement les frontières du royaume. Synonyme de raffinement, il est parlé par les élites dans les plus grandes cours d’Europe.

Dans son essai intitulé De l’universalité de la langue française, Antoine de Rivarol répond à trois questions posées par l'Académie de Berlin dans le cadre d'un concours : « Qu’est-ce qui a rendu la langue française universelle ? Pourquoi mérite-t-elle cette prérogative ? Est-il à présumer qu’elle la conserve ? ».

Le succès est au rendez-vous : il remporte le premier prix ex-aequo avec le philosophe allemand Johann Christoph Schwab !

Pourquoi un tel triomphe ? L’écrivain revient brillamment sur l'histoire du français et défend le « génie » de cette langue. « Ce qui n’est pas clair n’est pas français », affirme-t-il !

Portrait dessiné d'Antoine de Rivarol
Portrait d'Antoine de Rivarol par Melchior Wyrsch

1794 : l'abbé Grégoire veut abolir les langues régionales

Qui parle véritablement français à la fin du XVIIIe siècle ? Pour le savoir, l'abbé Grégoire mène une enquête sociologique à travers tout le pays, pendant quatre ans.

Ses conclusions sont édifiantes : seul un français sur cinq utilise la langue nationale. Ce sont les langues régionales et les patois qui prédominent.

L'homme de lettres rédige alors un rapport « sur la Nécessité et les moyens d’anéantir les Patois et d’universaliser l’Usage de la Langue française », justifiant ses idées par le besoin d'unifier la nation.

Portrait de l'abbé Henri Grégoire, ecclésiastique et homme politique français, par Jean-Baptiste Mauzaisse
Jean-Baptiste Mauzaisse, L'Abbé Henri Grégoire (1750-1831), ecclésiastique et homme politique, 1820

© Paris Musées / Musée Carnavalet, Histoire de Paris

1882 : l’enseignement primaire obligatoire pour tous

En 1881 et 1882, Jules Ferry, ministre de l'Instruction publique, fait adopter deux lois rendant l’instruction primaire gratuite, obligatoire et laïque.

L’école se fera en français uniquement afin de diffuser cette langue sur tout le territoire, comme le souhaitait l'abbé Grégoire un siècle plus tôt.

Il est alors interdit aux élèves de s’exprimer dans des langues régionales, ce qui contribuera à fragiliser ces dernières. Il faudra attendre la loi Deixonne du 11 janvier 1951 pour que l’enseignement des langues régionales de France soit autorisé.

Portrait photographié de Jules Ferry, par Etienne Carjat
Portrait de Jules Ferry, Etienne Carjat, 1870-1890

© Musée Carnavalet, Histoire de Paris

1992 : la « langue de Molière » est inscrite dans la Constitution

« La langue de la République est le français. » Aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est seulement en 1992 que la langue française est inscrite dans la Constitution, dans un alinéa de l'article 2.

Ce changement intervient l'année de la ratification du Traité de Maastricht, fondateur de l'Union européenne. Les débats à l'Assemblée nationale témoignent d’une volonté de protéger la « langue de Molière » face à celle de Shakespeare.

« Au moment où nous allons ratifier un traité qui va décider de la disparition de la monnaie nationale au profit d'une monnaie européenne, marquer notre attachement à la langue nationale est un symbole fort et nécessaire », déclare le député des Pyrénées-Atlantiques Alain Lamassoure.

Vue de la salle du Congrès au Château de Versailles
Hémicycle de la Salle du Congrès

© Château de Versailles

1994 : une loi pour la langue française

La loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite « loi Toubon », met en œuvre au plan législatif le principe posé par l’article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français ».

Elle pose que le français est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics. Elle n’interdit pas l’usage d’autres langues, mais garantit le droit à comprendre et à s’exprimer dans notre langue commune. Cela concerne un grand nombre de situations de la vie quotidienne, notamment la consommation des biens et les services, la publicité, l’emploi, l’accès aux droits...

 

Vous aimeriez en savoir plus sur la langue française ? Découvrez le parcours de visite de la Cité internationale de la langue française !

Vue de la façade du logis restaurée, château de Villers-Cotterêts
Vue de la façade du logis restaurée

© Cité internationale de la langue française / Centre des monuments nationaux

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Vue de la salle consacrée aux langues régionales