Mémoires d’un château : résidence de création à la Cité

Le Collectif Grandiose, porté par Kenza Jernite, s’installe à la Cité internationale de la langue française pour une résidence de répétitions de la pièce de théâtre Punis ! sur l’histoire de la maison de retraite du Château de Villers-Cotterêts.

2 septembre 2024

Vue de l'entrée du château de Villers-Cotterêts avant sa restauration

Kenza Jernite et le collectif Grandiose s’installent à la Cité pour créer le spectacle Punis ! basé sur les travaux de Mathilde Rossigneux-Méheust (Routines punitives - Éditions du CNRS, 2023 ; Vieillesses irrégulières - La Découverte, 2022; Vies d’hospice - Champ Vallon, 2018), portant sur les archives disciplinaires de la maison de retraite de la Ville de Paris.

Avant d’accueillir la Cité internationale de la langue française, le château de Villers-Cotterêts connut un destin mouvementé. Après avoir été sous l'Ancien Régime le théâtre des plaisirs royaux et princiers, il fut converti en 1808 en dépôt de mendicité pour le département de la Seine ; il devint en 1889 maison de retraite pour les Parisiens indigents, rôle qu'il conserva jusqu’en 2014, accueillant les personnes âgées au titre de l’aide sociale, avec tout un arsenal disciplinaire pour « gérer la vie » de ses pensionnaires. Ont été conservés les répertoires de punitions, les carnets où les surveillants rapportaient de manière très détaillée les incidents de la journée, ainsi qu’une liasse de fiches désignant, parmi cette population, les « indésirables » à ne jamais reprendre. À partir de ces sources de la seconde moitié du XXe siècle, l’historienne Mathilde Rossigneux-Méheust a dressé une galerie de portraits et de trajectoires individuelles d’hommes et de femmes, pauvres, âgés, marqués par les guerres et les crises du siècle.

Mathilde Rossigneux-Méheust fait non seulement surgir l’intime au sein de l’institution, mais montre également ce qui dans la vieillesse - et dans n’importe quelle forme de vieillesse - résiste, voire parfois dévie. Dans les rapports d’incidents, mais également dans les lettres que les pensionnaires adressent au directeur, voire au Préfet de la Seine et jusqu’au « Ministre » se dessinent des micro-poches de résistance à la vie en institution.

À travers le spectacle Punis !, Kenza Jernite propose de faire entendre les voix de ces résidents et de l’institution, de manière à comprendre comment les deux s’imbriquent et se répondent. La force de ces vies et de ces paroles désormais classées en archives, mais également la teneur théâtrale des rapports des surveillants comme celle des méfaits décrits sont particulièrement propices à une adaptation à la scène.

Cette résidence permet au collectif de travailler au sein même de l’ancienne maison de retraite et de revenir ainsi à l’origine de cette histoire singulière, en construisant des jeux d’échos inouïs entre le texte et le château, riche d’une histoire aux strates multiples et complexes. Au cours de leur semaine de résidence, l’équipe artistique rencontrera et échangera avec d’anciens pensionnaires de la maison de retraite afin de se nourrir de leurs récits.

Assistez à la représentation les 16 et 17 novembre 2024, dans l’Auditorium de la Cité.


Avec : Nicolas Beau, May Royer, Philippe Royer, Nina Vantieghem, Christine Vezinet Crombecque

Conception, Recherche, Mise en scène : Kenza Jernite
Dramaturgie, Recherche, Collaboration artistique : Mathilde Rossigneux-Méheust

À propos des artistes

Le collectif Grandiose

Le collectif Grandiose réunit des actrices et acteurs, metteuses en scène, autrices, dramaturges, chercheuses, etc. qui cherchent à mettre le théâtre au service de leurs questionnements politiques, éthiques et esthétiques, portées par la conviction qu’il s’agit d’une seule et même recherche. Il s’agit pour elles et eux de mettre en forme, théâtralement, une manière de dire le monde qui leur appartienne tout en rencontrant un très large public : les membres du collectif mêlent pour cela écriture, théâtre documentaire, solos et créations collectives.

Kenza Jernite

En parallèle d’un Master de Lettres Modernes et un Master en Études Théâtrales, Kenza Jernite monte plusieurs spectacles dans le cadre du théâtre universitaire (Fin de Partie de Samuel Beckett, puis Les Trois Sœurs de Tchekhov au Théâtre de l’Ecole Normale Supérieure ; Under Milk Wood de Dylan Thomas à l’ADC Theater de Cambridge).

En 2017, elle est assistante et dramaturge sur le spectacle de Claude Duparfait, Le Froid Augmente avec la Clarté, joué au Théâtre National de Strasbourg ainsi qu’au Théâtre de la Colline, à Paris. Elle mène au même moment une thèse SACRe en recherche-création, dans le cadre de laquelle elle monte trois nouveaux spectacles : L’Idiot, d’après Dostoïevski (2016), In absentia (2018) et The Tell-tale Heart, d’après Edgar Allan Poe (2021) (voir www.kenzajernite.com).

En 2022, elle entame un post doctorat sur la question de la représentation du grand âge et de la fin de vie sur les scènes européennes. C’est dans ce cadre qu’elle travaille à son prochain projet de recherche-création, Punis !.

Mathilde Rossigneux-Méheust

Agrégée d'histoire (2003), docteure à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (2015), Mathilde Rossigneux-Méheust est maîtresse de conférence en histoire contemporaine depuis 2016 à l'Université Lumière Lyon 2. Elle travaille sur les rapports entre l'Etat et les individus, dans la France contemporaine, à travers l'étude des institutions disciplinaires, des liens familiaux et du travail. Spécialiste de l'histoire des classes populaires, de la protection sociale et des institutions disciplinaires à l'époque contemporaine, elle est l'auteure de Vies d'hospices. Vieillir et mourir en institution au XIXe siècle (2018) et de Vieillesses irrégulières (2021).