« L'Alphabestiaire » : retour sur la résidence typographique de l'Atelier Baudelaire et d'Eugénie Bidaut à la Cité
Les artistes et graphistes Camille Baudelaire, Olivia Grandperrin et Eugénie Bidaut se sont installées à la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts en 2024 pour une résidence sur le thème de « La Francophonie typographiée », en partenariat avec l’Imprimerie nationale (IN Groupe) et le Centre national des arts plastiques (CNAP). Elles reviennent sur le projet qui a vu le jour lors de ces quelques mois : la création d'un caractère typographique et celle d'un abécédaire inspiré des créatures folkloriques francophones.
12 mai 2025
La Cité internationale de la langue française, l’Imprimerie nationale et le Centre national des arts plastiques se sont associés pour mettre en œuvre une résidence artistique dédiée à la création typographique, avec les artistes et graphistes Camille Baudelaire, Olivia Grandperrin et Eugénie Bidaut. Cette résidence s'est déroulée en 2024 à la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts et a permis aux artistes d'imaginer un caractère typographique et de créer un abécédaire inspiré des créatures folkloriques francophones.
Ce caractère typographique tenait à aborder la culture francophone de manière ludique, visuelle et tactile. Pour ce faire, les artistes graphistes se sont intéressées aux créatures folkloriques francophones par le prisme des mythes et légendes qui ont traversé les époques, souvent par la transmission orale. Chaque créature est dessinée à partir des récits légendaires décrivant son apparence, et dans une position lui faisant adopter la forme de sa lettre initiale. L’ensemble de ces lettres compose un abécédaire appelé l’Alphabestiaire de la francophonie. Celui-ci compose les capitales d’un caractère de labeur dessiné par Eugénie Bidaut : la Hérissante.
Découvrez le projet sur le site internet de l'Atelier Baudelaire.
Atelier Baudelaire et Eugénie Bidaut, artistes graphistes en résidence
video | Temps de Lecture8:16 min
De la lettre-image à l'alphabet anthropomorphe
« La lettre-image ou lettre illustrée connaît son âge d’or avec la pratique de l’enluminure au Moyen Âge, où moines et scribes en font le prétexte à la création d’univers fantaisistes venant compléter l’expérience de lecture. » rappelle les graphistes. Avant l’invention de l’imprimerie, la frontière entre dessin et écriture est floue, et de cette porosité naissent des compositions complexes, foisonnantes et intriquées. On y trouve en grand nombre de lettrines ornées, des lettres-fleurs, des lettres-animaux, des lettres-humains, des lettres-objets…
Les lettres ont été, à certaines périodes de l’histoire occidentale, des signes porteurs d’imaginaires. Par exemple, avec la naissance des universités, apparaissent de nouvelles écritures d’inspiration gothique qui témoignent d’un goût pour les drôleries et l’esthétique médiévale. Au cours du XIXe siècle, les alphabets zoomorphes et anthropomorphes qui visent à instruire en amusant renouent de manière étonnante avec le vocabulaire très ornemental du Moyen-Âge.
De nombreux alphabets anthropomorphes mettant en scène des démons, suggérés en ombre chinoise, voient le jour au XIXe siècle. « Ces alphabets diaboliques ont été dessinés, entre autres, par Jean Midolle, calligraphe et dessinateur de caractères, et Michel Delaporte, auteur dramatique, lithographe et caricaturiste français. Ils ont été une grande source d’inspiration pour notre travail. » précisent-elles.
Un alphabet légendaire !
Sur la base de ces recherches, les artistes en résidence ont répertorié un grand nombre de figures légendaires, animaux hybrides, créatures imaginaires. « L’objectif était de trouver 26 créatures avec pour chacune, en initiale de son nom, une des 26 lettres de l’alphabet latin. Pour opérer notre sélection, nous nous sommes conformées à certaines contraintes : l’histoire de la créature devait être suffisamment intéressante à raconter, et, dans l’idéal, peu connue dans la culture populaire globale actuelle ; afin que l’Alphabestiaire soit aussi un lieu de découvertes et de curiosités. » expliquent les graphistes. Il était également pour elles d'illustrer une certaine diversité dans la représentation des différents folklores qui composent la francophonie aujourd’hui. Ainsi l’Alphabestiaire est composé de créatures issues d’une pluralité de territoires : la France métropolitaine, la Guadeloupe, la Belgique, Haïti, le Québec, la Guyane, la Louisiane, etc.
Dessiner un achlis en forme de A ou un basilic en forme de B, un rougarou en forme de R, ou encore un zombie en forme de Z.
Une fois la sélection des créatures effectuée, les graphistes se sont attachées à trouver une cohérence formelle entre la physionomie du monstre et la forme de la première lettre de son nom. Par exemple, dessiner un achlis en forme de A ou un basilic en forme de B, un rougarou en forme de R, ou encore un zombie en forme de Z.
Pour donner corps et forme à ce projet typographique de manière interactive et poétique, les artistes ont finalement imaginé un dispositif scénographique qui permette d’animer les formes, et d’immerger le public dans les récits et légendes entourant les créatures composant l’Alphabestiaire. Les lettres ont été extrudées puis imprimées en 3D afin de les intégrer à un mobile en forme de carrousel, inspiré d’un zootrope. En son centre sont placées des lampes qui projettent les ombres des créatures sur les murs environnants. Il s’agit d’un objet déplaçable, démontable et remontable ; un véritable théâtre d’ombres mobile.
Découvrez le travail de ces artistes sur leurs sites internet : www.atelierbaudelaire.com
https://xn--eugniebidaut-deb.eu
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